Kabylie : "Les chants de la nature"
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Photo : Binor BOUACHERINE
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Le livre d'Antonio SKAMETA, écrivain chilien exilé : "Une ardente patience", que j'avais lu à la fin des années quatre vingt n'a jamais eu autant de sens dans ma vie qu'aujourd'hui. Est-ce mon degré de lecture qui a évolué? Ou bien la force de l'âge qui a aiguisé mon entendement réaliste? Ou tout bonnement une question de situation, à savoir, l'exil partagé avec l'auteur? Après onze années en France, je replonge du haut de mon auto-expatriation dans la lecture de ce magnifique témoignage en ayant ce sentiment d'écrire les pages en les lisant. Ce passage extrait de l'oeuvre de SKARMETA résume l'esprit de mon article :
...Un jour, Mario avait demandé: "Come si diventa poeta?" Et Neruda avait répliqué: "Tu descends au bord de la mer et le long du chemin tu observes attentivement tout ce qu'il y a autour de toi." Mario a appliqué scrupuleusement ce conseil et en a fait une règle de vie, en particulier après le départ de l'écrivain, retourné dans son pays. Il a observé et enregistré pour Neruda et ses amis de la Pampa: la vaguelette sur la plage de son île, la grosse vague sur les rochers, le vent dans les buissons, la tempête dans la colline, etc..."Je ne peux vivre sans les oiseaux... enregistre-moi l'éclaboussement des vagues. Si tu entends les mouettes enregistre-les, …"
Dans la compagne kabyle, les paysages n'ont pas que des formes et des couleurs, mais aussi des sons qui s'y échappent et qui n'échappent pas à une oreille attentive. Des sons qu'on entend pendant la journée et d'autres à la nuit tombée.
Tard dans la soirée, en traversant les ruelles du village pour rentrer chez moi, j'entends le roucoussement des poules.
Après un long voyage à travers le temps avec ma grand-mère qui a continué plus tard à tousser dans son lit, je déçide enfin de regangner ma chambre, les yeux en pleurs, non pas par ses récits touchants d'une Kabylie authentique et valeureuse, mais par la fumée du feu de bois que j'essayait d'esquiver tout au long de la soirée en inclinant ma tête dans toutes les directions et en la chassant avec un bout de carton que ma grand-mère utilisait en guise de souffleur pour l'attiser.
À côté de ma chambre, dans le jardin potager, faisant la ronde, notre chien aboie au moindre bruit. Je souçonne même qu'il aboie en réponse à l'échos de ses aboiements renvoyé par les collines avoisinantes. Il me semble qu'il n'entendait que son échos et pas son aboiement en temps réel. Sinon, il s'en aurait sans doute apperçu. C'est à croire qu'il ne s'entend pas aboyer. Oh, si seulement je pouvais arrêter l'aboiement de l'échos ! notre chien aurait arrêté son vacarme qui retentissait sur tous les murs de la maison.
Mais les meilleurs moments de sommeil sont ceux où j'entends la pluie tomber sur les feuillages des arbres, sur les cuvettes et autres ustensiles en plastique ou en aluminium, laissés là dans la cour de la maison. Le tempo de la pluie est rythmé par les tambourins du tonnerre dont, paradoxalement le bruit me berce et me fait tomber dans les bras de Morphée comme un bébé par une berceuse.
Soudain, la pluie s'arrête et les grillons remplissent l'atmosphère avec une symphonie en boucle. Leurs chants sont là pour mettre en valeur le silence. Les notes répétitives de leurs mélodies qui me parviennent de loin, associées à celles émises par la vie nocturne kabyle, font que ces mêmes notes répétées tout au long de la nuit forment quelque chose de semblable au Boléro de Ravel; des morceaux identiques, mais différents et variés à chaque mesure. Ce tapis sonore constitue un fond musical douillet aux autres sons de la nuit kabyle.
Il y a de cela quelques années, un rossignole se présentait quasiment à la même heure de la nuit pour élire domicile sur un même olivier, peut-être sur la même branche, juste au-dessous de chez moi, près de la voie publique, pour fredonner pendant des heures sans se soucier de ce groupement de villageois qui venaient l'un après l'autre autour de l'olivier pour écouter ce virtuose noctambule.
Mais le chant de la meute de chacals ne semble pas mettre fin aux bruits de la nuit. Un chat en rut, qui semble sortir de nul part, déchire mon sommeil par son cri collé aux volets de ma fenêtre. Un autre chat lui répond, sans doute une femelle, d'abord d'un cri de bébé, puis hausse en creshendo le ton en faisant tomber des casseroles sur les tonneaux de fioul stockés juste en bas de ma fenêtre. Le chien se réveille. Du coup, ma grand-mère s'est remise à tousser, le chien à aboyer et griffer la clôture du jardin potager. Je me mets debout, les pieds nus sur le carrelage froid en granite de ma chambre et j'apperçois la silhouette du chien, la lune comme une auréole entourait sa tête. Je plaque mes lèvres sur les lates de la fenêtre et je lance en sa direction : "Jack,...Chut, vas te coucher". Le regardant s'éloigner vers sa niche, je ferme les rideaux et je me glisse sous mes couvetures toutes chaudes que je soulève difficilement à cause de ce couvre-lit kabyle que ma soeur a confectionné et qui pèse des tonnes.
Tah'art Nwen
(J'ai rédigé cet article rapidement; alors il se peut qu'il nécessite une révision,...Bref, (j'y reviendrai)...Je n'ai pas trop le temps de me consacrer à mon blog...C'est juste pour faire plaisir à mes lecteurs fidèles (En Algérie, en France, aux USA, au Canada entre autres...et qui m'envoient régulièrement des messages sympathiques) Je vous en remercie !
25/11/2011 23:14